L'évaluation initiale et allongement
Elle ne diffèrera pas de l'évaluation pratiquée pour les clous d'allongement.
La procédure d'allongement permet d'écarter ('distracter') les 2 parties osseuses pour permettre un écartement dans lequel se formera l'os nouveau. Les manoeuvres se font par action sur des écrous/boulons à l'aide de clés, à l'extérieur de l'organisme. Il n'y a donc pas de contact en soi entre les mains de celui qui fait les manoeuvres d'allongement et la peau du patient. Le patient a donc moins peur que s'il allongeait par un clou mécanique (Albizzia, ISKD, etc.), mais bien évidemment a des broches et fiches traversant sa peau.
Le rythme de distraction pour un allongement
En général, la distraction (c'est-à-dire l'écartement de l'os par les manoeuvres réalisées au niveau des écrous) de fait à raison d'1/4 de mm, quatre fois par jour. Il est facile de faire 1/4 de mm car cela correspond à 1/4 de tour de la clef de 10.
Parfois, en fonction de la rapidité ou la lenteur d'ossification, le rythme peut être changé (par exemple 1/2 mm/jour ou 1.5 mm/jour). Ainsi, si l'os se forme trop vite, on accélèrera la distraction. Si l'os se forme trop lentement, on diminuera le rythme de distraction.
Ce rythme de 1 mm/jour est le garant de l'absence de lésions des nerfs et tissus mous. En effet, à ce rythme là, les risques sont très faibles.
Certains appareils (moteurs électriques utilisés en Russie par exemple) créent des rythme beaucoup plus progressifs (60 à 300 fois par jour) et autorisent d'augmenter la distraction obtenue à 1.5, voire 2 mm/jour en obtenant une qualité osseuse excellente et avec un risque sur les tissus mous équivalent à celui d'une distraction de 1 mm obtenue en 4 fois.
Le rythme de distraction pour une correction complexe
En cas de correction angulaire, en fonction de l'écartement du fixateur de l'os, on pourra faire parfois un allongement de certaines tiges avec raccourcissement des tiges de l'autre côté de l'os de plusieurs mm/jour. Cette correction au niveau du fixateur correspond à une correction absolue plus réduite au niveau de l'os. Si un os est de diamètre 2 cm, mais que les tiges latérales sont situées à 10 cm de l'os, 1 cm d'allongement sur une tige et 1 cm de raccourcissement sur la tige correspondante de l'autre côté de l'os correspondra à seulement 1 mm sur la surface externe de l'os, et à 4 mm au niveau des tissus mous situés à 4 cm du centre de l'os. Le chirurgien est la seule personne référente qui vous expliquera le rythme qu'il a besoin pour votre cas.
Le sens de distraction
Pour un allongement simple, le fixateur sera étiré. Le sens pour tourner les écrous devra être bien vérifié pour éviter de se tromper et entraîner une compression.
Pour une correction complexe, certaines tiges peuvent être allongées avec un certain rythme, alors que d'autres peuvent l'être à un autre rythme, voire être raccourcies (exemple, fixateurs de pied). L'ajout de sparadrap avec une flèche et un numéro permet de ne pas se tromper. Un carnet de suivi avec le rythme à avoir pour chaque tige (avec le numéro sur le sparadrap) aide à supprimer toute confusion.
Soins de broches
Les soins de broches doivent être irréprochable pour que l'allongement ou la correction par fixateur externe soit un succès. En effet, une infection sévère atteignant l'os (ostéomyélite) peut rendre nécessaire l'arrêt du traitement et l'ablation du fixateur externe.
Points clés
Des soins de broche de qualité s'intègrent dans une hygiène personnelle de qualité.
La peau autour des broches doit être sèche.
Les broches doivent être laissés à l'air ou simplement couvert d'une compresse aérée, pour éviter toute macération qui favorise la pullulation microbienne.
Ne pas utiliser de crème ou autre agent qui favorise la macération.
Qu'utiliser pour nettoyer ses broches ?
L'eau bouillie ou stérile
Coton-tiges (non stériles, mais propres), ou des cotons spéciaux
Un plastique pour mettre les déchets du nettoyage
Bien se laver les mains avant le nettoyage au savon et se les sécher
Quand le chirurgien le demande, utiliser les produits qu'il a prescrit
Comment nettoyer ses broches ?
Tous les jours, en fonction de l'état de saleté des broches. Certaines broches ont besoin d'être nettoyées plusieurs fois par jour, si elles sont infectées, d'autres n'ont pas besoin d'être nettoyées tous les jours
D'une manière générale, le moins on irrite les orifices de broche, le mieux la cicatrisation progresse
Se laver les mains
Vérifier qu'il n'y a pas de poils à proximité des broches
Ne pas nettoyer les broches qui ne présentent aucune saleté
Utiliser un coton-tige humide ou mouillé, puis sécher l'orifice avec un autre coton-tige sec, par 'tamponnage'
Eliminer tout matériel coagulé et/ou fixé sur les broches, ainsi que toute croûte qui pourrait créer une occlusion de l'orifice de broche génant le drainage d'un suintement infecté
A la fin du nettoyage, les broches doivent 'briller' et la peau autour sèche et non ou peu inflammatoire.
Suivi
Le suivi est clinique et radiologique (parfois échographique).
Le patient reste en général une petite semaine à l'hôpital, puis rentre chez lui ou en centre de rééducation.
Il doit revenir toutes les semaines ou tous les 15 jours pendant la phase d'allongement/correction, puis les consultations s'espacent progressivement (1 mois, etc.) sauf en cas de problème. Les radiographies ne sont pas prescrites systématiquement, mais le sont souvent.
On planifiera l'ablation du fixateur externe en fonction de l'apparence radiographique (densité osseuse, homogénéité osseuse, etc).
Kinésithérapie et rééducation
Phase préopératoire
La rééducation commence en préopératoire. En effet, il faut évaluer les rétractions et faire de la kinésithérapie pour les supprimer. En effet, il est plus difficile d'allonger sur une rétraction que si le patient ne présente pas de rétraction.
Un renforcement musculaire sera souhaitable (musculation) car le résultat post-opératoire sera meilleur si le patient s'est préparé a l'intervention et a stimulé le muscle pour qu'il se renouvelle.
Faire un marathon sans s'y préparer est quelque chose de peu envisageable. Faire un allongement sans s'y préparer l'est également, car si le marathon ne modifie pas l'organisme, un allongement produit des modifications bien supérieures au marathon.
Phase post-opératoire
Avec les fixateurs externes, la mobilité doit être retrouvée et respectée dans la mesure du possible. Cela n'est cependant pas facile car on est conditionné par les broches et vis qui traversent les tissus mous. Il faudra alors considérer que la récupération complète d'une mobilité qui dépend d'un muscle traversé par les broches sera récupérée parfois un an après l'ablation du fixateur externe. Autant le prévoir dans son programme d'allongement.
Pour lutter contre la rétraction de l'allongement et des broches, il faut stimuler les étirements. Cela est dirigé contre les muscles du patient qui sont rétractés ou peu extensibles.
Le renforcement musculaire est difficile à réaliser car les muscles doivent souvent lutter dans leur course contre quelques broches. Le renforcement est plus facile quand les broches ne traversent pas les muscles (fixateur unilatéral de jambe), mais là encore, de grands allongements ont tendance à créer un équin peu réductible par les mouvements de musculation.
Le renforcement musculaire peut passer par une activation globale de tous les muscles de l'organisme, comme ce qui est pratiqué à l'Institut Ilizarov à Kurgan.
La vie pratique avec un fixateur externe
La vie pratique est modifiée de nombreux mois, même en cas d'allongement relativement réduit (5 cm). Il faut adapter l'environnement à soi, car le volume des fixateurs externes ne permet pas facilement de tout faire sans problème.
Les adaptations à faire dépendent du type de fixateur (circulaire ou unilatéral) et de l'emplacement (humérus, fémur, tibia).
Adaptation de la maison
Nous prendrons comme exemple les fixateurs pour membres inférieurs (fémurs par exemple).
Il est difficile de monter les escaliers, et si une maison individuelle présente un escalier, on installe souvent un lit au rez-de-chaussée pour l'opéré. Dans les immeubles, la présence d'un ascenseur est nécessaire (sauf appartement au rez-de-chaussée). Sinon, la famille proche ou un centre de rééducation peut accueillir le patient.
Les rampes à chaises roulantes sont les bienvenues.
Les sanitaires nécessitent souvent une adaptation. Dans les allongements pour achondroplasie, les robinets sont souvent difficile à atteindre (petits bras + chaise roulante).
Les déplacements
Ils sont souvent assez réduits. Cependant, la fréquentation scolaire est possible dans les écoles qui sont prêtes à accueillir les enfants avec fixateur externe.
Il faut envisager des accès faciles et la ballade en montagne doit être différée quelque peu.
Il est souvent accepté de monter dans les trains avec un fixateur externe. Tous les avions n'accueillent pas des patients avec fixateurs externes. Il est souhaitable de se renseigner avant d'acheter les billets.
Cas particulier
Les fixateurs externes pour anomalies des pieds
Parfois, les corrections sont si importantes et difficiles à obtenir avec fixateur externe (multiples axes dans les 3 parties du pied) que l'on décide d'enlever le fixateur externe assez tôt, quand le cal osseux est encore suffisamment mou ou malléable pour être modifié, et on complète la correction dans un plâtre moulé.
Les corrections instantanées au bloc opératoire
Parfois on décide de corriger une partie des déformations directement au bloc opératoire et de ne garder en post-opératoire que certaines corrections faciles à obtenir ou qui ont besoin de temps (allongements).